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Vie par procuration ou participation ?


Yann Parodi


Parents de quatre jeunes enfants, mon épouse et moi avons pu observer, dès notre première petite, que le désir de participer dans la vie apparaissait très tôt. Chez nous, cela s’est vu pour la première fois au moment des repas. Il a fallu péniblement accepter de laisser participer notre enfant qui voulait tant bien mal s’équiper de sa cuillère pour accomplir la tâche devant lui. Tant pis pour le nettoyage de tous les recoins de cette chaise bébé qui ne semblait manifestement pas conçue pour la première expérimentation d’un non-initié. Nous l’avons appris à la dure : refuser cet acte de liberté, c’est provoquer une rébellion instinctive, c’est la grève de la faim. La bouche se ferme, le corps se tortille, comme disant : « Si je ne peux pas participer, alors je ne mange pas ! »


Paradoxalement, nous avons découvert le phénomène inverse à peine quelques mois plus tard. Je me souviens de cette étape surtout avec notre deuxième. Alors qu’il mangeait avec sa cuillère depuis maintenant plusieurs semaines, il m’a regardé et m’a dit : « Oh, je suis faquidé (fatigué), tu me donnes à manger ? » Que s’était-il passé ? C’était comme si la tâche était devenue inintéressante, comme s’il avait juste eu besoin de savoir qu’« il savait le faire tout seul » mais qu’ « il préférait qu’on le fasse à sa place.»


Notre vie ressemble à cela en Occident. On pourrait vivre l’aventure, mais on s’est habitué à l’expérimenter au travers des héros de nos romans, films et séries favorites. Ne nous sommes-nous pas accoutumés également à une vie par procuration au travers du missionnaire envoyé… à ma place, de l’évangéliste qui témoigne… à ma place, du prophète qui exhorte… à ma place, du pasteur qui prend soin… à ma place, de l’enseignant qui découvre les trésors des Écritures… à ma place ? Quel effet cela peut-il avoir sur une communauté à long terme ? Malheureusement on ne le sait que trop bien, n’est-ce pas ? Laisserions-nous à nouveau ces ministères équiper la Communauté pour qu’elle participe, plutôt que de tout faire à sa place (Eph 4 :12) ? Et nous autres, dans « le ministère », risquerions nous d’équiper de sa « cuillère » un non-initié qui chemine ?


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